Investir le champ de l’évaluation des politiques publiques pour battre en brèche certaines pratiques et de nombreuses idées reçues
Solène Le François

L’évaluation des politiques publiques a souvent mauvaise presse et les raisons à cela sont nombreuses, c’est pourquoi, jusqu’à récemment, pour les collectivités, les démarches d’évaluation étaient vécues plus comme une contrainte imposée par un co-financeur, que comme un levier de dialogue avec le territoire et de transformation de l’action publique.

Mais avec des compétences qui s’étendent, des politiques qui se complexifient et des citoyens en attente forte de transparence et de participation, les tendances changent, et les métropoles, les communautés de communes et d’agglomération sont de plus en plus nombreuses à vouloir se lancer dans des démarches d’évaluation de leurs politiques publiques.

Mais par où commencer ? Comment éviter l’enlisement dans des démarches interminables ? Effrayées par la lourdeur et la longueur des démarches traditionnelles d’évaluation, trop de collectivités renoncent. Adeptes d’une approche participative, rompus à la transformation des organisations, et fins connaisseurs des collectivités territoriales, nous voulons tacher d’y remédier !

Pour commencer, revenons sur quelques idées reçues…

Idée reçue n°1 : évaluation = analyse d’efficience

Il est vrai que le terme d’« évaluation », en lui-même, renvoie à l’idée d’un jugement de valeur, et s’inscrit dans le champ lexical « scolaire » et « froid » de la notation. Pour beaucoup, la logique qui sous tend l’évaluation rejoint l’idée selon laquelle les élus devraient présenter des résultats aux citoyens, et leur offrir « un retour sur investissement ».

Selon nous, l’évaluation des politiques publiques répond avant tout à un impératif de transparence, et, si elle renvoie effectivement à une redevabilité politique, cette redevabilité ne doit être réduite à la notion d’efficacité économique. Car, la question de la « performance » de l’action publique se pose en des termes très différents de celle du secteur privé, pour lequel les indicateurs sont essentiellement numériques et relativement simples. La mesure de l’efficacité d’une politique se fait, quant à elle, au regard d’objectifs de natures variées, au sein d’environnements complexes, et s’inscrit dans une autre temporalité.

C’est pourquoi, chez Politeia, au terme « d’évaluation » nous préférons l’expression « d’accompagnement pragmatique à la décision ». En effet, pour nous, il s’agit bien plus de mettre en perspective une politique et son impact sur un territoire au regard d’objectifs sociaux et environnementaux, que de juger la performance intrinsèque des moyens humains et financiers mobilisés pour la mettre en œuvre. Notre approche n’est pas celle d’un « juge », mais bien celle d’un accompagnateur des acteurs publics – des élus comme des services – vers le repositionnement agile de leur stratégie et l’amélioration de leurs processus pour mieux répondre aux besoins du territoire et de ses habitants. 

Idée reçue n°2 : l’évaluation c’est périlleux, ça nous expose

Ensuite, dans un contexte de défiance croissante entre les citoyens, leur administration et leurs élus, l’évaluation des politiques publiques peut être perçue comme un « règlement de compte » périlleux, notamment par les élus locaux et les services en prise directe avec les administrés.

En affirmant une approche ouverte et participative dans nos démarches d’évaluation, nous voulons déjouer cette crainte. C’est pourquoi, dès les premières étapes de travail, nous faisons de l’évaluation des politiques publiques un exercice collectif et mobilisateur, un moyen de créer ou recréer du lien, du dialogue, de la confiance entre les élus, les services, et les citoyens d’un territoire. L’objectif à plus long terme est le renforcement durable de l’implication de tous les acteurs dans la mise en œuvre et les succès de la politique envisagée, grâce à la création de rendez-vous et de réflexes.

Nous souhaitons d’ailleurs aller plus loin et inviter les collectivités à réfléchir sur leurs politiques en dehors des frontières de leur territoire en leur donnant la possibilité de rejoindre une communauté d’acteurs publics. Des communautés, nous en développons sur différentes thématiques (rénovation énergétique, autonomie des seniors, etc.) dont certaines comptent parmi elles des acteurs de pointe.

Idée reçue n°3 : l’évaluation c’est un truc d’experts

Enfin, à l’heure où les acteurs publics sont encouragés à internaliser certaines missions et compétences, les démarches d’évaluation des politiques publiques sont encore trop rarement l’occasion de transférer durablement des compétences évaluatives aux agents de la collectivité. Il faut dire que les collectivités n’y sont pas franchement encouragées, et l’évaluation est trop souvent présentée comme un exercice fastidieux, lourd à porter et nécessitant des compétences scientifiques pointues.

Contrairement à cette idée communément répandue, nous pensons que l’évaluation est un exercice que les collectivités peuvent et doivent s’approprier avec des formats courts qui leur permettraient de tendre vers une régularité et des résultats durables. Pour cette raison, lors de nos interventions, nous priorisons l’acculturation des cadres et des agents aux techniques d’évaluation. Au-delà de la dimension culturelle, nous nous proposons de faire évoluer l’organisation, son fonctionnement, et ses processus pour qu’elle intègre l’évaluation à son fonctionnement habituel. Nous contribuons ainsi à engager durablement la collectivité vers une meilleure prise en compte des besoins du territoire.

Vous l’avez compris, nous approchons l’évaluation moins sous l’angle économique que sous l’angle politique, nous en faisons un espace de dialogue et de réflexion collective au service de l’intérêt général, et notre casquette d’expert en transformation nous aide à insuffler durablement ces pratiques dans les collectivités.

Ceci dit, qu’en est-il de nos engagements ?

1/ Adopter une approche pragmatique qui vulgarise sans appauvrir

Notre approche de l’évaluation se concentre sur l’essentiel en ciblant clairement dès le début les objectifs d’une politique et en mobilisant à bon escient ses parties prenantes avec une démarche calibrée sur les ambitions et les ressources des acteurs locaux.

Lorsque le sujet est complexe, il s’agit pour nous de le simplifier sans le rendre simpliste, à l’image de nos travaux en matière de rénovation énergétique. Sur un sujet en constante évolution, qui mobilise autant d’acteurs, sur différents registres et à différents niveaux, nous analysons et modélisons la politique, ses enjeux et les parcours des usagers de telle à manière à créer les conditions d’un dialogue entre chacune de ses parties prenantes (nous y reviendrons dans un prochain article).

2/ Rapprocher le temps de l’évaluation du temps de la décision publique

Une politique publique s’inscrit dans une double temporalité celle du temps long de dialogue démocratique et des dynamiques sociétales et celle du temps plus court de la décision. Ce n’est pas un objet figé, et l’évaluation est un exercice qui s’inscrit dans une logique d’amélioration continue, fait de repositionnements agiles et d’expérimentations crantées.

Pour allier ces deux dimensions de l’action publique nous proposons un accompagnement à l’évaluation en 3 à 6 mois, avec toujours le souci de partager les pratiques et les outils qui permettront la prise en main pérenne de l’exercice.

3/ Donner du sens à l’engagement des agents territoriaux

Notre approche de l’évaluation des politiques publiques répond à la quête de sens qu’expriment les agents du secteur public (et les candidats potentiels). Au travers de nos démarches, il s’agit de s’intéresser à leur travail, à leurs missions, aux difficultés qu’ils rencontrent sur le terrain, et de se fier à leurs analyses et expertises pour mieux cerner les pistes d’amélioration des processus qui matérialisent la politique.

Les repositionnements proposés dans le cadre de l’évaluation d’une politique permettent bien entendu également de remédier à une perte de sens engendrée par des opérations mal calibrées, trop complexes qui n’atteignent pas leurs objectifs ou leurs cibles. Enfin, parce que ces démarches visent aussi à rendre lisible et visible l’action publique et qu’elles sont l’occasion de rencontres entre des élus, une administration et des citoyens, elles permettent de construire des politiques plus incarnées, gage d’une plus grande confiance des administrés et d’une marque employeur renforcée (au service de l’attractivité).

Nous restons naturellement à votre disposition pour échanger et partager nos réflexions avec vous !