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Que ce soit pour l’organisation de son temps, son lieu de travail ou sa rémunération ; le maintien d’une règle unique est largement questionné. L’individualisation est en marche !
Comment les collectivités répondent-elles à ces évolutions ?
Il convient d’abord de préciser que ces dispositifs existent déjà au sein des collectivités : le télétravail est une possibilité largement répandue ; les cycles de travail sur 4 ou 4,5 jours existent déjà dans le cadre des 1607h annuels et le dispositif du RIFSEEP, qui s’impose à toutes les collectivités, prévoit, à travers le CIA, une part variable de rémunération.
Prenons l’exemple d’un agent public territorial de catégorie C, agent d’accueil, aide à domicile ou ATSEM. La glorification de son rôle « en 1ère ligne » face au Covid semble loin derrière. A la frustration de son manque de reconnaissance, notamment financière, vient s’ajouter aujourd’hui l’absence de possibilité de télétravail. Et puisqu’il faudra bien finir par reconnaître le télétravail comme une avancée et un avantage substantiel pour celui qui bénéfice de cette possibilité, c’est un sentiment d’iniquité qui risque d’animer notre agent. Au-delà de l’impact du télétravail sur la fragilisation du collectif, c’est la différenciation de traitement qui questionne l’équité de l’individualisation.
A défaut d’une compensation financière liée au caractère non télétravaillable du poste qu’il occupe, notre agent peut regarder avec intérêt les discussions sur la semaine en 4 jours. Il conviendra d’abord de bien lui préciser qu’il ne s’agit en aucun cas d’une réduction de son temps de travail mais bien d’une condensation sur une période plus courte. Cette déception risque de laisser place à une frustration profonde quand on lui expliquera que l’expérimentation de la semaine en 4 jours ciblera d’abord les postes administratifs. Il faut en effet des outils de pilotage précis et de solides compétences managériales pour réorganiser le temps de travail d’un service en prise directe avec l’usager de 5 à 4 jours sur la semaine en maintenant la qualité et l’amplitude horaire sans création de poste !
Rien d’impossible, certains collectivités le font, mais la tentation est grande de commencer l’expérimentation par des services administratifs.
Reste alors la prime au mérite ! Notre agent pourrait l’entrevoir comme un juste retour des choses, lui dont le mérite a été applaudi avec ferveur durant la crise sanitaire. Là aussi, il conviendra de dépasser une nouvelle déception : il ne s’agira certainement pas d’une prime en plus mais plus sûrement d’une variabilisation plus importante de son régime indemnitaire actuel. Restera alors le risque d’une rancœur tenace vis-à-vis de son manager qui ne lui aurait pas octroyé 100% d’une prime pour un mérite individuel qu’il est bien difficile d’objectiver et donc d’expliquer.
Sentiment d’iniquité, de frustration voire de rancœur, la dynamique est difficile à accepter pour notre agent de catégorie C en collectivité, qui ,statiquement, a de très grandes chances d’être une femme de plus 50 ans avec une rémunération inférieure à 2000€/mois.
C’est sans doute l’une des raisons qui pourraient pousser les décideurs territoriaux à un repli (tactique ou stratégique ?) vers les valeurs d’égalité du service public, vers l’affirmation de la prépondérance du cadre collectif dans une collectivité (sic) et vers l’appel à une revalorisation salariale nationale comme prérequis.
Sur le fond, le débat mérite d’être posé au risque de considérer que le seul avenir du secteur public consiste à courir derrière les pratiques développées par le secteur privé sans possibilité d’interroger leur vertu pour l’agent et l’usager et leur compatibilité avec une mission d’intérêt général. Puisque ce débat est essentiel, la réponse ne sera jamais univoque et il ne sert alors à rien d’attendre une hypothétique solution.
Les collectivités courent un risque certain de boire la tasse face à la vague que représente l’individualisation du rapport au travail… mais elles peuvent pagayer pour décider de leur propre trajectoire. En décidant de nager à contre-courant, elles se retrouveraient en rupture avec l’évolution du monde du travail et les attentes des agents qu’elles ont déjà tant de mal à attirer.
Des pistes à la main des collectivités peuvent alors se dessiner :