Tribune : « Il faut renouer avec une véritable ambition décentralisatrice »
François Journy

Acteurs Publics – 28/01/2025

Les citoyens croient-ils encore à l’action publique ? La question est douloureuse tant la réponse est
incertaine. Les électeurs expriment leur défiance à travers la progression simultanée du vote extrême
et de l’abstention. Les habitants s’éloignent des services publics alors qu’ils ne voient plus les services
les plus essentiels arriver jusqu’à eux. Les usagers cherchent leur chemin dans le labyrinthe des
structures publiques, qui rend l’action illisible et parfois inaccessible. Les contribuables peuvent
difficilement s’opposer aux discours de certains politiques, qui dénoncent dans un même élan de
brutalité, qu’ils aimeraient faire passer pour du courage, l’inutilité des structures publiques et le
manque d’efficacité des agents.

Les élus locaux, et en premier lieu les maires, ne semblent eux-mêmes plus tellement y croire, tant
“Il est urgent de réconcilier décentralisation et aménagement du territoire”
leur capacité d’action est réduite, voire empêchée. La décentralisation n’est plus alors un horizon
technocratique, mais une réponse indispensable à la défiance démocratique et à l’inefficacité de
l’organisation de l’action publique !

Désempilons les rapports qui confirment un constat largement partagé et des propositions
d’ajustement qui viennent finalement légitimer l’organisation actuelle. Nous avons besoin d’une
nouvelle vision claire et globale de l’organisation de l’action publique ! Ne misons pas tout sur la
coopération, l’intelligence territoriale et la concertation. L’organisation est aujourd’hui tellement
complexe, les logiques institutionnelles tellement ancrées, qu’il est totalement illusoire de demander
aux acteurs en place de porter spontanément l’évolution profonde de l’organisation territoriale. Ne
leur demandons pas de changer leurs pratiques pour éviter de changer le système.

Trouver des gains d’efficacité

Assumons alors la construction d’une nouvelle ambition décentralisatrice qui s’impose à tous en
laissant, derrière, la place à chacun de l’ajuster pour considérer la diversité des réalités territoriales.
Au-delà de la méthode, 3 propositions semblent fondamentales pour dessiner une nouvelle
organisation décentralisée.

D’abord, réaffirmer le bloc communal comme socle de l’action publique locale. Moins de communes pour des communes plus fortes qui peuvent prendre en charge l’essentiel de la production de services publics sur un territoire. Cela suppose de capitaliser sur les périmètres de coopération intercommunale pour lancer un mouvement massif de fusions de communes au sein d’administrations locales partagées et lutter ainsi contre un émiettement de la capacité d’action qui
empêche l’application du principe de subsidiarité.

Deuxième proposition : instaurer une contribution locale généralisée. Une réelle autonomie fiscale
avec un pouvoir de taux pour permettre à l’élu local de nouer un dialogue avec ses électeurs tant sur
les dépenses que sur les recettes et porter sa politique sans craindre de voir l’État lui imposer des
économies brutales. Cette contribution locale généralisée doit permettre d’unifier les reliquats
d’impôts locaux et les multiples compensations fiscales. Cette contribution serait cohérente, car
adossée au fait d’habiter un territoire, juste car basée sur les revenus et non sur des valeurs locatives
obsolètes, lisible car en augmentant le taux, l’élu augmenterait les recettes, ce qui n’est plus évident
aujourd’hui avec les mécanismes de compensation, intégration fiscale et péréquation…

Il s’agit enfin d’organiser une nouvelle gouvernance État-collectivités. L’action publique locale a
besoin d’ingénierie, de stratégie, de cohérence et aussi de contrôle. Elle n’a pas à subir le coût de
coordination, voire d’une opposition stérile entre les services déconcentrés de l’État, les
établissements publics et les collectivités. Installer une gouvernance partagée entre État et
collectivités pour des structures régionales qu’on pourrait qualifier de “second niveau” doit permettre
d’ancrer cette logique de coopération dans les structures elles-mêmes.

Cette nouvelle organisation serait le prérequis à la décentralisation de nouvelles politiques publiques
dont la gestion par les collectivités qui, rappelons-le ici, ne peuvent pas voter de budget en déficit,
pourrait garantir l’efficience et l’efficacité. Parce qu’ils seraient lisibles, le périmètre et les moyens de
l’action publique pourraient alors être mis en débat avec le citoyen dans une nouvelle relation de
confiance.

Nous restons naturellement à votre disposition pour échanger et partager nos réflexions avec vous !