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La Gazette des Communes – 9/12/2024
Le sens du service public pourrait-il masquer la recherche de sens au travail pour les agents ?
A brandir trop mécaniquement l’étendard du sens du service public et de l’intérêt général, les dirigeants de collectivités risquent de maintenir dans l’ombre la quête de sens au travail de leurs agents dont l’autonomie pourrait bien être le graal.
La fonction publique est chahutée, malmenée. Le gouvernement pointe du doigt les fonctionnaires : trop nombreux, trop absents…Les candidats pointent du doigt les employeurs publics : pas assez attractif, pas assez souple…Les générations se pointent mutuellement du doigt : désengagées, individualistes…Pendant ce temps, les agents de collectivités travaillent…et cherchent des leviers de motivation et d’engagement quand la rémunération ne suit pas et que le babyfoot est passé de mode avant d’arriver jusqu’à eux.
Suffit-il alors de convoquer l’intérêt général pour redonner du sens au travail des agents en collectivité ?
Œuvrer pour des missions de service public qui contribuent par essence à l’intérêt général est une chance, et une responsabilité, immenses pour les employeurs et managers publics. C’est un atout incroyable, dont rêveraient toutes les entreprises qui dépensent des millions d’euros en campagne de communication RSE, pour attirer, fidéliser, engager
A entendre certains dirigeants de collectivités en appeler sans cesse au sens de l’intérêt général des agents, on peut pourtant se demander si cet atout ne risque pas de se retourner contre celui qui le détient. Pour reprendre une distinction bien connue, il ne faut pas confondre sens du travail et sens au travail. Le sens du service public ne permet pas de répondre à la quête de sens au travail des agents publics, en tout cas pas pour tous dans les mêmes proportions.
Si on peut imaginer qu’un DGS de collectivité peut trouver dans sa proximité au politique et à la décision publique un sens à sa mission qui lui permet, le plus souvent, de dépasser ses difficultés et ses doutes sur la manière dont il exerce ses fonctions ; c’est une erreur de projeter ce seul levier de mobilisation et d’engagement pour l’ensemble des agents.
Un travail intéressant, motivant, ce n’est pas uniquement un travail qui a du sens ! C’est aussi un travail dans lequel je peux mettre du sens, un travail qui me permet de me réaliser, de me singulariser, de montrer aux autres qui je suis ! L’autonomie dans la manière d’exercer ses missions est ici une dimension essentielle si ce n’est la quête la plus fondamentale : se questionner sur la manière de faire, prendre des initiatives, mesurer les effets, être fier, progresser… Et sinon ? Se voir imposer des tâches, ne pas comprendre les tenants et aboutissants, subir les changements, attendre les prochains, ne trouver plus aucune gratification si ce n’est la rémunération, trop faible.
Cette autonomie n’est en aucun cas réservée aux postes de directions ou aux professions intellectuelles, au contraire, elle est directement accessible pour les métiers opérationnels dont l’appréciation des effets est plus directe, tangible, immédiate. Elle suppose de renverser certaines pratiques des collectivités pour lutter contre l’aversion au risque, la concentration de la décision, la faible reconnaissance de l’initiative ou le découpage des missions en tâches …mais la quête de l’autonomie au travail est une aventure où chacun peut trouver un sens et un rôle clé !